On m'a demandé d'être la présidente d'honneur d'un événement bénéfice pour le fonds Francine-Lachance. J'espère un jour arriver à la cheville de cette grande trifluvienne qui a mordu dans la vie jusqu'à la fin tout en jetant les bases d'un mouvement de solidarité entre les gens d'affaires de ma région.
Voici mon message à l'occasion du défilé mode au Carlito:
C’est un jour comme un autre. Vous faites votre jogging en jouant à la
marelle sur les flaques de soleil.
Vous embrassez vos enfants, ivre de fierté et d’amour.
Vous enlacez votre amoureux, une vieille habitude qui révèle
une fois de plus la petite flamme qui brûle toujours en vous.
Vous parlez de bonheur comme on discute de la météo : avec ses hauts et ses bas.
Vous faites des projets comme on construit des autoroutes,
avec un plan en main et l’idée de faire en grand.
Vous allez vite, évidemment.
Pressée de vivre. Obligée de tout
faire en même temps.
Et lorsqu’on vous demande si vous êtes heureux, vous
ne prenez même pas la peine d’y penser.
Vous dites tout de suite…Bien sûr!
Regarde moi, j’ai tout ce que je désire.
Je flotte.
Jusqu’au jour où l’enclume vous tombe sur la tête.
On vous dit « cancer » et vous comprenez « galère ».
Ce n’est pas la fin du monde mais le monde tel que vous le
connaissez ne sera jamais plus le même.
C’est du moins ce que vous apprendrez au fil des jours de cette aventure
tortueuse.
Les médecins félicitent votre chance : c’est un stade 1, une puissante gifle qui va
vous coucher pendant quelques semaines, voire quelques mois mais vous vous en
sortirez.
Vous n’allez pas mourir.
La vague de fonds du tsunami ne va pas vous engloutir.
Mais elle va balayer vos croyances les plus profondes. Faire germer en vous un mal de vivre, une angoisse sombre et des humeurs toxiques
sur fond de jours gris. Vous traverserez un mois de février glacial qui ne
semblera jamais se finir.
Heureusement, il y a un bout à tout, même à l’éternité.
Mars arrive enfin. L’ombre
d’un timide printemps colore les jours. Telle
une marmotte endolorie, vous sortez de votre terrier.
Un jour, vous vous essoufflez en attachant vos
souliers. Et le suivant, vous voilà en
train de courir.
Dans ce grand corps malade, une femme se réveille. Plus rien ne sera comme avant alors mieux
vaut faire connaissance avec cette étrangère.
Un peu de rose sur les lèvres, un trait de crayon sur les
paupières que l’on trace comme un symbole sur la peau d’une guerrière.
En passant une main sur le duvet naissant de votre crâne,
une évidence: cette femme qui renaît, c’est
moi.
Mon nom est Chantale Carignan. Je fais partie désormais partie des
statistiques du cancer. Je ne suis pas
la seule, mon mari aussi est passé par là.
A travers les larmes, j’ai appris à goûter à la douceur des
petits et des grands bonheurs. Un goût
de sel et de miel.
J’ai fait du moment présent mon pain quotidien.
Et les projets en forme d’autoroute? Ma famille vous le dira : rouler en Westfalia sur une petite route
tranquille, c’est déjà le début de l’aventure.
Dans toute cette histoire, ils sont devenus mes héros.
Autoroute ou chemin caillouteux, l’important c’est de
regarder droit devant.
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