24 mai 2013

Chéri, c’est tellement vintage!


avant...
Vintage, hipster, boho-chic, de jolis mots pour remettre en service les débris antiques amassés au fil des années. 

Un coup de pinceau et beaucoup d’amour, ça ne prend pas grand-chose pour déterrer le coquet sous le vieux vernis.  Fastoche, comme dirait Princesse des îles.  Sauf quand il s’agit d’une maison complètement «vintage». 

C’était en janvier dernier alors que nous magasinions notre «home sweet home».  Lorsque j’ai pénétré dans ce qui allait devenir ma maison, hipster n’est pas le premier mot qui m’est venu à l’esprit.  J’ai ressenti un grand frisson devant ce monument pur kitsch.  Authentiquement provençal français avec des kilomètres de rideaux taillés dans les robes de Sissi impératrice d’Autriche. Le temps s’était figé :  nous sommes entrés dans le Twilight zone des années 70. 
Et j’ai été aspirée dans une quatrième dimension… Aussi étrange que cela puisse paraître, j’ai mentalement abattu deux murs, posé des parquets de bois sombres, fait surgir la cuisine de mes rêves.

Dans mon rêve éveillé, il n’y avait pas de tempête de poussière de gypse ni de coûteuses surprises une fois les pièces déshabillées.  Je n’ai pas imaginé les fréquents allers-retours à la quincaillerie où j’ai fini par connaître les commis par leur petit nom.  Dans cette vision de la maison parfaitement «home stagée», blanche comme une cathédrale en Sicile, rien sur la colossale feuille de temps de valeureux ouvriers payés trois fois rien :  mes parents et chéri…

Ils ont trimé dur mais rien ne les a arrêtés.  Ils ont gratté le papier peint pouce par pouce et je les soupçonne d’avoir parfois utilisé leurs dents  pour faire disparaître le motif à fleurs.  Et moi, aussi inutile qu’une pince à cheveux sur la tête de Kojak, je les ai regardés redonner une seconde vie à «ma» maison, celle à laquelle j’ai rêvé.

Vintage, un joli mot en forme de trappe à ours.  Pensez y à deux fois lorsque cette chaise rembourrée échouée sur un trottoir vous fera de l’œil.  Ce n’est pas une simple chaise avec du potentiel.  C’est un projet de plus pour vous prouver que l’amour peut venir à bout de tout, même des chaises défoncées au velours râpé.

Chez nous, on ne dit plus vintage… Chéri se couvre les oreilles à deux mains parce qu’il connaît par cœur la tyrannie des vieilleries maganées qui ne révèle leur beauté qu’à grands coups de patient « gossage ».  Ceci dit mon amour, je préfère ton don pour ressusciter les maisons à tous les bouquets de fleurs du monde.  Ma maison hipster n’a pas de prix.

après...

21 mai 2013

Cherche et trouve Big


Petite ronde dans la cour des miracles de la SPA-Mauricie.  Les museaux se pointent entre les barreaux, quêtant le bout d’un doigt pour une micro-caresse.  Un montagne des Pyrénées, véritable mammouth blanc, lève un œil las, sûr de ne pas avoir tout ce qu’il faut pour l’opération séduction.  Ben non, pas toi mon gros, je cherche un toutou, pas un meuble.  Et cet autre, un berger allemand fort comme un bœuf, altier comme le prince William :  il a l’air inoffensif mais je l’imagine déjà, me tirant derrière lui comme un cerf-volant fou, prêt à attaquer toutes les petites filles du quartier avec ses grands crocs blancs.  Non merci, je ne veux pas d’un chien psychopathe.  Quant à ce beagle grassouillet, il a déjà trouvé preneur. 

« Quel type de chien cherchez-vous? », me demande la technicienne, une jolie brunette qui parle aux chiens sans complexe. 

Je cherche un « ti » chien.  Mais pas trop minus. 

Elle me sort un beau grand caniche royal noir, une pauvre bête raide maigre, prête à pisser de peur devant ma paume tendue.  Les reliquats de la maltraitance.  Si j’étais missionnaire, j’en aurais fait mon chemin de croix.  Je l’aurais requinqué avec des biscuits à chien fait maison.  Mais voilà, j’ai déjà donné dans une autre vie en Nouvelle-Calédonie avec une peste nommée Bouboule. 

« J’ai un autre caniche croisé bichon, si ça vous intéresse… », poursuit-elle, jamais à court d’animaux.

« Je veux bien le voir.  Mais je veux un chien, pas un projet ». 

Et le voilà qui arrive, paradant comme une majorette, crotté, ébouriffé mais malgré tout fier.

« Ouin….Il est mignon.  C’est quoi son nom? »

Big.  Il s’appelle Big.

On passe la laisse à Big et on poursuit l’observation dans le stationnement de la SPCA.  Définitivement craquant avec son tempérament enjoué.  Pisse sur les poteaux avec la patte littéralement accrochée derrière l’oreille.  Ne fais pas la sourde oreille aux commandements « assis » et « couché ».  Cours comme un lièvre sur l’acide, heureux d’être en vie après avoir erré dans les ruelles de Shawinigan. 

Big?  Tu cherches une famille?  Bingo, c’est ton jour de chance.  Et le mien aussi!

Rien à voir avec les chiens trophées.  Disons que Big a de la gueule et une personnalité attachante.  Un croisement entre un alpaga et une vieille star du rock avec son drôle d’affro. 

Notre nouveau compagnon a envie d’un peu de tranquillité après un début de vie tumultueux.  Ça tombe bien, nous aussi on a besoin de goûter à la douceur routinière des jours dans notre nouvelle maison. 

Bientôt, on complètera le tableau avec un chat et un poisson, histoire de prendre solidement racine.

14 mai 2013

My radical choice




« Brad, tu m’aimes toujours? ».  Angelina doute.  Ce soir, les cicatrices sur ses seins lui font mal.  Ses enfants, ses merveilleux enfants, ont renversé un verre de lait, levé le nez sur son pâté chinois; ils se sont essuyés la bouche avec la nappe et ont failli ébouillanter le chat avec leur bol à soupe.  Ils ont été… des enfants.  Vifs comme des petits singes, insouciants, heureux.  Pour eux, Angelina n’est pas une demi-déesse descendue tout droit de la planète Hollywood, c’est une mère comme une autre à qui ils crient :  maman, où t’as mis mon t-shirt rouge?  Viendra un jour où ils comprendront ce que leur mère, si ordinaire à leurs yeux, a fait pour eux.  Une mastectomie préventive pour rester là, à essuyer les dégâts, sécher leurs larmes, béquer les bobos et sourire devant la gaieté de leur brouhaha.

Depuis la mort de sa mère en 2007, Angelina tourne et retourne dans sa tête les sombres statistiques rattachés à son risque de développer un cancer du sein et de l’utérus. 

Bien des fois, elle s’est vue debout sur le bord d’une autoroute quatre voies en pleine heure de pointe.  Les automobilistes filent à plus de 100 km/hr.  Elle s’est imaginée en train de prendre une grande respiration pour foncer droit devant.  Dans son scénario, elle meurt inévitablement sous les roues d’un véhicule.  Pourquoi traverser l’autoroute quand on a 87 pourcent de risques de finir écrasée?

Angelina a opté pour le chemin le moins fréquenté, le plus à pic, le seul sentier qui ne la mènera pas jusqu’à une fosse dangereuse :  ablation des seins.  « My medical choice » est le titre qui coiffe sa lettre ouverte publiée aujourd’hui dans le New York Times. 


Un choix médical, radical et très certainement longuement mûri puisqu’il permet d’échapper à tous ces drames quotidiens.  Au canada, 14 femmes meurent chaque jour d’un cancer du sein. 

La mastectomie préventive est-elle une forme de « mutilation »?  A mon avis, c’est plutôt le cancer qui mutile et laisse des traces.  Dans mon cas, il s’agit d’une toute petite cicatrice en forme de sourire, une blessure de guerre que je préfère oublier. 

Et les cicatrices d'Angelina Jolie?  Ce sont les frontières d'un territoire qu'elle a elle même tracées et que le cancer ne franchira pas.

11 mai 2013

Y a-t-il un médecin dans la salle?


« Oh my God!  Tes cheveux repoussent! ».  C’est le commentaire unanime à chaque fois que je rencontre des amis. 

J’arbore un duvet de poussin de pâques.  Un drôle de look hybride entre la coupe militaire et le radical punk.  Je passe machinalement ma main sur ce doux tapis et je souris.  Il y a huit mois, j’apprenais en affichant presque de la nonchalance que j’avais le cancer.  J’avais cette attitude du « même pas peur », riant de ce petit éclat de mort pris sous mon sein gauche.  Je n’étais pas pressée de me faire opérer et rien au monde n’allait me faire rater les vacances prévues à Sydney avec ma bonne amie Chantal B.   Nous avons arpenté la ville, pillé les boutiques, éclusé quelques verres pendant nos 5 à 7 improvisés.  Nous avons surtout ri de la tournure du destin, fière de ne pas se laisser démonter devant la plus terrible des maladies, CANCER, ces six lettres qui marquent au fer rouge. 

Les vacances ont fini par finir.  Chantal B. a repris son avion direction Montréal.  Et c’est là que j’ai commencé à sentir la cuisante brûlure du mot qui s’imprimait en moi.  Fuck, j’ai le cancer…

Huit mois plus tard, le cancer est guéri mais la brûlure fait encore mal de temps en temps.  Il y a la nostalgie des beaux jours en Nouvelle-Calédonie, les soupirs des enfants devant les albums photos, l’aventure avortée…

Est-ce qu’il y a un traitement pour guérir le vague à l’âme?  Nous aurions besoin d’une prescription pour une famille de 5.