26 févr. 2012

Il faut de l’humilité pour Cyberdiscipliner nos enfants…


J’ai mis au monde trois «natifs numériques », des enfants aujourd’hui âgés de 17, 15 et 12 ans nés à l’ère techno.  On les appelle « génération C », cette génération qui succède à la « Y ».  Moi la « X », je ne suis qu’une immigrante dans leur contrée technologique.

Ils ont une souris au bout des doigts et un pouce qui dégaine des salves de SMS sur leur téléphone intelligent.  Leur cerveau fonctionne en mode « multitâches » :  ils ont  des fenêtres d’attention qu’ils ouvrent et ferment en surfant sur Facebook et Youtube tout en téléchargeant séries télé et musique en ligne.  Ils clavardent comme ils respirent.  Rient (Loll, mdr, J , mouahahah).  Déclinent le tableau de caractères Windows pour décrire leurs émotions *_*:/ :p  Ö  <3  8-) :-[  Bavardent avec cinq amis en même temps comme s’ils étaient assis autour d’un feu de camp alors qu’ils sont seuls devant leur écran d’ordinateur.  Je les soupçonne d’être des mutants.

Mutants ou pas, ils ont hérité d’une mère à la morale antédiluvienne.  Une mère matamore qui part souvent en croisade contre les horaires de marathonien sur internet.   Je vous l’avoue,  il m’arrive de débrancher le modem lorsque je parle à trois « crash test dummies » soudés à leur portable. 
Je leur brandis souvent l’argument ultime lors de ma croisade contre l’usage abusif d’internet : 

« Un jour, tu auras un  patron encore plus ‘freak’ que ta mère et tu n’auras même pas la possibilité d’aller t’agenouiller devant le mur des lamentations de Facebook pour te plaindre! »

Oh, que je me suis mise un pied dans la bouche!

Je suis tombée sur un entrefilet dans une revue de la presse féminine qui évoque l’arrivée de cette nouvelle génération sur le marché du travail.  Un constat s’impose :  je suis à des années lumière de la planète du Net.  Ce n’est pas d’hier que les gestionnaires se font des cheveux blancs pour tenter de séduire les jeunes travailleurs.  Ils ont balayé le mot « hiérarchie » sous le tapis pour instaurer une dynamique consensuelle. 

Emploi Québec avait déjà pavé la voie en 2008 avec un guide à l’intention des gestionnaires de PME qui s’intitule « Comment apprivoiser la génération Y ».    On y lit qu’ « avec l’aide de leur réseaux de contacts et la technologie, ils (la génération Y) ont une connaissance plus exacte et en temps réelle de leur valeur sur le marché du travail », et de ce fait, « le gestionnaire aurait avantage à mieux comprendre leurs préoccupations et leurs ambitions (…)».  

Un chausson avec ça?

Maman : zéro.  Les enfants : 1

Mes rejetons seront au paradis, immunisés contre la morale rétrograde de leur chère mère.  Ils auront un patron qui leur ouvrira les portes du marché du travail devenu terre bénie des jeunes branchés :  d’ici 10 ans, un million de 12 à 24 ans feront partie de la main-d’oeuvre active d’après les estimations du centre francophone d’informatisation des organisations (CEFRIO).

Je devrai donc me mettre au parfum de mes ados, trois dignes représentants de la génération « C »  et souscrire à leur maxime : « communiquer, créer, collaborer ». 

Je me demande s’il y a une application au Apple Store pour ça?

25 févr. 2012

L’inébranlable confiance de Flipper



Nous sommes à la piscine, histoire de se rafraîchir un peu après une journée à l’école où les enfants se sont fait chauffés à blanc.  Princesse des îles a enfilé ses lunettes rouges de championne de natation et fait des longueurs.  DES LONGUEURS…Étrange comportement pour une enfant qui s’identifie plus à la ballerine aquatique Sylvie Fréchette qu’au géant Michael Phelps. 

Quelle allure!  Elle mouline avec l’énergie d’une turbine d’Hydro-Québec.  Je retiens mon souffle quand je la vois plonger en apnée…pour aussitôt ressortir et happer l’air comme si sa vie en dépendait.  C'est rien de moins que du surplace énergique.  Elle qui a l’habitude de se mouvoir comme si elle avait frayé avec le dauphin Flipper, la voilà qui avance avec  autant d’aisance qu’un petit beluga dans la semoule. 

« Regarde maman!  Je fais le troll! »

Le quoi?  Je pouffe de rire.  

« C’est pas le troll ma chérie…ça s’appelle le crawl! ».  Vrai que l’anglais des moniteurs de natation français est parfois aussi brouillé qu’une piscine pleine de bouette. 

Princesse des îles passe du « troll » à la brasse, autre style de nage expérimenté aujourd’hui lors de son premier cours de natation à la piscine du Ouen Toro.  Le résultat est tout aussi…artistique.

« Est-ce que tu trouves que je nage bien? », me demande-t-elle, ruisselante.
Question-piège.  Elle nage comme une enclume mais je vais valoriser les efforts déployés.

« Tu dois continuer à t’entraîner, la natation est un excellent exercice! »
Fine mouche, elle flaire ma dérobade.

« Une amie m’a dit que ça devrait être interdit de nager comme ça… »
Et si j’étais la police de la piscine, tu aurais une contravention.  Ce n'est pas moi qui s'exprime, c'est ma toute petite voix de mère indigne que je m'efforce de taire en ravalant mon éclat de rire.

« Et toi, qu’est-ce que tu en penses ma jolie? ».  Autre tactique de camouflage, répondre par une question. 

« Moi, je pense que je suis une très bonne nageuse! », me dit-elle avec aplomb.  Princesse des îles, qui a eu son lot d’intimidation au fil des écoles fréquentées tant à Trois-Rivières qu’ici en Nouvelle-Calédonie, démontre une confiance insubmersible.  Elle continue à faire la crécelle dans l'eau avec bonheur.  

« Mais c’est sûr que j’aime mieux nager sous l’eau ».  Et la cousine de Flipper pique une tête pour aller raser le fond de la piscine.  Même les jolies sirènes ne savent pas comment faire le crawl.  Encore moins bien le « troll »! 




22 févr. 2012

L’été des indiens ne pèse pas lourd dans la balance

Anse Vata
Ham-sud 
















Dites « Québec » à un français et la machine à rêves s’emballe.

J’ai tenté l’expérience avec une vendeuse de la librairie l’As de Trèfle de Nouméa. 

« Québec! », ai-je négligemment laissé glissé de façon très subliminale dans une conversation sur la pluie et le beau temps.  En fait, sur le beau temps parce qu’il fait toujours beau ici.

Et paf!  La voilà avec les yeux grands comme des cartes postales version panoramique où apparaissent les Rocheuses, les chutes Niagara et le château Frontenac.  Elle s’imagine déjà, parée d’un couvre-chef en poil et en peau, fouettant sa horde de chiens de traineau qui la tirent jusqu’à sa cabane en bois rond sur fond d’aurores boréales. À la seule évocation de la patrie canadienne, ce fantasme-flash a illuminé le fond de sa pupille. 

« C’est si beau le Canada!  Je rêve d’y aller pendant l’été des indiens… », me dit-elle, partagée entre le mysticisme et le rêve.

Je souris, béate devant sa soif de découvrir la sauvagerie d’un pays qui ronge la moitié d’un continent.  L’été des indiens… La douceur sucrée d’une saison qui finalement n’est qu’une conjoncture :  un relent de grandes chaleurs, la croisée de vents favorables, un ciel bleu sainte-vierge où les nuages sont floconneux et jamais menaçants.  Une aquarelle, celle dans la chanson de Joe Dassin.  Il ne manque que les licornes pour compléter ce tableau chimérique.

« Je voulais aussi aller travailler là-bas », me dit-elle avec un rire gêné.

L’été des indiens à longueur d’année.  J’aime ce concept.

« Mais vous savez », poursuit sur la lancée des confidences, « on m’a dit que les travailleurs n’avaient que DEUX SEMAINES DE VACANCES  PAR ANNÉE… ».    La voilà presqu’en train de défaillir devant une telle perspective.  Deux misérables semaines.  Et imaginez si ça tombe en plein février…La guigne!  Ou pire encore :  le boulet des deux dernières de juillet parce que le chantier FERME!  Ahhhh!….Tout le monde à Old Orchard en même temps.   

« En France, tous les travailleurs ont droit à un mois! », m’explique-t-elle comme une académicienne.  

Si seulement le canada avait opté pour la devise des français :  liberté, égalité, fraternité et UN MOIS DE VACANCES!

Un mois, c’est bien plus long que l’été des indiens…



14 févr. 2012

Je suis une fille de Koné qui s'en va vivre à Nouméa


J’ai versé des larmes en arrivant en brousse.  Je vais pleurer des torrents lorsque je vais devoir la quitter.  Et c’est aujourd’hui que je lui dis au revoir.

Mes copines de Koné vont me dire :  «Là, Gougounes, tu exagères  avec tes torrents…T’es pas Claude Barzotti!  Slaque avec tes métaphores! »

Je vous jure que c’est vrai!  Ce matin, je commençais à ressentir un léger vague à l’âme à l’idée de partir.   En faisant le plein de diesel, j’ai failli mettre du sans plomb (là, c’est Chéri qui aurait pleuré des torrents …)  Pour la première fois, je réalisais que je tournais une page sur le chapitre « brousse ».    Je venais de charger la moitié de mes vêtements dans ma plus grande valise et j’avais posé ma cafetière sur le siège avant.  Il était 7 hrs du matin, le temps était gris et pluvieux. 

J'étais en train de bougonner jusqu’à ce que je reconnaisse un visage connu :  Claude, un travailleur kanak à qui j’ai déjà donné un lift parce qu’il avait fait une crevaison avec son bicycle.

Il s’avance vers moi avec son grand sourire.  Sa tuque verte m’attendrit parce qu’il fait quand même 30 degrés…

« Bonjour!  Ça va? », me dit-il en me faisant la bise.  On a gradué jusqu’à la bise parce que je lui fais confiance.  Ne me demandez pas pourquoi, il a une face en sourires et ça me suffit comme garanti.

« Ah, oui, ça va.  Mais je m’en vais, je quitte Koné.  Je déménage à Nouméa ».

Et là, c’est tout juste si je n’entends pas son sourire qui tombe en faisant ka-kling! 

« Mais on ne te verra plus! », dit-il avec une sincérité touchante.

« Ben voyons donc, la Calédonie, c’est grand comme ma main.  On va se revoir, c’est sûr! ».  Je me fais rassurante.  Vous le savez vous aussi que c’est petit la Calédonie :  avec moins de 250 mille personnes sur le caillou, les statistiques sont de notre bord.  On va se tomber dessus un jour ou l’autre. 

Claude est parti en disant au revoir, embarqué avec des compagnons de fortune dans un pick-up pour un autre petit boulot.  Me voilà à la caisse avec les larmes qui montent aussi vite que dans un creek sur la transversale pendant une grosse ondée.   Attention, débordement en vue!  Pourquoi se mettre à chialer comme dans un clip de Barzotti? 


C’est là que j’ai réalisé que je suis en train de tirer le fil d’un inextricable réseau que j’avais tricoté, un réseau qui était devenu un filet de sécurité.  Je me sentais bien ici.  Mes enfants aussi.  Mais voilà :  l’expérience nous emmène ailleurs.  Il faudra sortir encore une fois nos aiguilles à tricoter et se mettre à faire des mailles ici et là. 

Je pars avec les enfants à Nouméa.  Chéri viendra nous rejoindre dans quelques semaines.

La brousse, c’est comme partout ailleurs :  il y a des bons et des mauvais jours.  On s’ennuie, on s’éclate, on rit, on pleure, on mange en famille élargie, on lance des cris en découvrant des coins perdus.  C’est comme ça en Abitibi au Québec, dans la Creuse en France et dans les Blue Ridge Mountains en Caroline du nord.  Mais le « Wow Power », c’est  de réaliser que la brousse finit par nous rentrer dans la peau. 



Je suis une fille de Koné qui s’en va vivre à Nouméa.  C’est ça le titre du nouveau chapitre.

7 févr. 2012

Conjugaison du verbe "sourire"

Je souris quand :

Je mange le pâté chinois cuisiné par mon aînée...Je cours avec la couette qui dégoutte...Je marche vers la mer sans avoir à me tremper un orteil à la fois...Je sors du coiffeur avec un brushing de rêve...Je transpire en joggant sous le soleil polaire à moins 10 degrés...Je réussis à traîner ma mère de 70 ans (belle et jeune!) dans un discothèque à la mode..Je danse sur un vieux tube disco, les guéguettes en l'air, sur un buffet...Je fais la vaisselle avec des copains après un party bien arrosé...Je plonge dans mes vieilles revues et je redécouvre des articles tripatifs...Je vois mes grands enfants endormis comme des petits chats sur le vol Paris-Osaka...Je regarde un film pour la troisième fois, toujours aussi émue...Je me lève tôt...J'ai de la visite qui s'annonce à l'improviste...

5 févr. 2012

Remettre les pendules à l'heure

C’est dimanche au Québec alors qu’on est déjà lundi en Nouvelle-Calédonie.  Vous prenez votre apéro et je sirote mon deuxième café.   Méga dé-ca-la-ge.  Revenir est une étrange expérience.  Ce n’est pas tant le fait d’avoir à avaler les trois quarts d’un cadran d’un seul coup qui me plonge dans cette drôle de torpeur.  Je tangue comme un paquebot, encore chamboulée d’avoir vécu plus d’une journée complète dans les airs.  Il n’y a que les astronautes qui sont entraînés pour faire autant d’heures de vol!  ça fait wouche! wouche! dans mon oreille interne avec la houle des derniers jours. 

Mais ce n’est pas là le pire de mes soucis.  Le vrai décalage, c’est de se dire qu’on est ici alors que notre famille, nos amis, les paysages de neige et l’intrigante pelote de racines pur québec , et bien tout ça est resté là-bas.  J’ai encore des frissons rien qu’à penser que je les tenais dans mes bras il y a quelques dizaines d’heures à peine. 

Le frigo est vide.  L’herbe pousse sous mon nez pour me narguer.  Il y a un cadavre de cafard dans le fond de ma bagnole crottée.  Les factures impayées jaunissent dans la boîte aux lettres.  Et il faut que je traîne mes claquettes derrière le caddie pour trouver une salade et trois branches de céleri. 

Welcome home.

Comment se repulper le moral après six semaines douillettes enroulée dans les pulls laineux?

D’abord, se planquer.  Ermite assignée à résidence.  On sort pour le strict minimum.  Faire les courses dans le seul et unique but d’assurer la survie de la tribu.  C’est fou ce qu’on peut faire avec un kilo de carottes.  Je les ai cuisinées en salade, en gâteau et dégoulinantes de beurre.

Puis, aller se guérir à la plage.  La cure Pindaï fait des merveilles.  Ce ruban de route rouge encadré d’arbres rabougris menant tout droit vers les flots turquoises, c’est une pilule de bonheur.  Ne regardez surtout pas vos mollets blanc fluorescents, ça va vous saper le peu de bonne humeur qui subsiste en vous.  Respirez.



Couchée sur votre natte, le nez plongé dans vos vieilles revues,   vous tomberez alors sur un article qui fait l’inventaire des plus belles plages du monde :  Bora Bora, les Seychelles, sans oublier les tout-inclus de la République Dominicaine.  A ce moment précis, il y aura une volée de poissons sautillant qui vous arrachera de votre palpitante lecture.  L’œil humide, la bouche en « o », vous réaliserez alors que votre plage à vous ne va jamais faire ce palmarès… Et c’est tant mieux. 

Sur le chemin du retour, au volant de votre véhicule poussiéreux, vous fredonnerez Aznavour :

Emmenez-moi au bout de la terre
Emmenez-moi au pays des merveilles
Il me semble que la misère
Serait moins pénible au soleil

Le rétroviseur vous renverra alors l’ombre d’un sourire qui danse au coin de vos lèvres.  Et là, vous saurez que vous êtes sur la bonne voie.   On finit toujours par guérir d’un décalage de 16 heures.

3 févr. 2012

Atterrissage en douceur



« Je te paris un 5 que nos valises ne suivront pas jusqu’à Tontouta ».   L’esprit fataliste s’impose quand on voyage pendant 40 heures.  J’ai très peu fermé l’œil entre Montréal et la Nouvelle-Calédonie, 5 heures tout au plus.  En revanche, je me suis enfilée tous les blockbusters hollywoodiens des 3 derniers mois.  C’est fou comme Justin Timberlake est partout en ce moment.

Mon fils m’a relancée en m’assurant que nos lourdes valises allaient être là, pile poil.  Il a finalement empoché ses 5 piastres.  C’est tout ce qui me restait dans le fond de mes poches après un mois de janvier plutôt bien remplie au Québec.

A notre arrivée, nous avons été happé par une bouffée de chaleur et une paire de bras, ceux de Chéri, trop content de retrouver sa petite tribu.



Petite surprise à notre arrivée à la maison :  une minuscule chatte rousse à pattes blanches.  S’il y avait un casting de pub de papier de toilette, je pense qu’elle serait embauchée.  Elle a des yeux immenses et des oreilles qui la font ressembler à Yoda.  Elle est agile comme un singe et curieuse comme pas 2.  Je pense qu’on va bien s’entendre.