30 déc. 2012

Ma prière à la messe de minuit à huit heures

« Dépêchez-vous, l’église est ben pleine pour la messe de huit heures! ».  Ma mère fait la circulation pour toute la famille et distribue les bottes, les foulards, rallongent une jupe trop courte en tirant dessus tout en enfilant son propre manteau.  Il est sept heures et vingt et j’imagine la file à la porte de l’église…On va être assis sur le perron si on traîne de la patte comme ça.


Arrivés sur place, l’église est vide comme une allée de quille.  Il y a bien quelques vieux pécheurs qui rongent les balustres mais c’est tout.  Des enfants déguisés en berger répètent leur marche solennelle.  Le plus petits des trois, sérieux comme un pape, a perdu ses grosses dents d’en avant.  Pendant ce temps, le bedeau court d’un cierge à un autre comme s’il avait une envie pressante.  Mes enfants et leurs cousins se précipitent au deuxième étage de notre belle église.  C’est l’équivalent de la loge de luxe pour le Canadien.  De là, ils saisiront les moindres faits et gestes de l’assemblée et pourront se délecter de fous rires.  Ma mère est déjà partie côté sacristie. J’opte pour le troisième banc sur le plancher des vaches avec les deux hommes de ma vie, mon père et mon mari. Je surprends mon aîné en train de hocher la main à un parterre imaginaire de fidèles comme s’il était Benoît XVI.  Cet enfant n'en rate pas une.

Sur le mur, la vieille horloge indique sept heures trente-cinq.  C’est l’horloge la plus lente que je connaisse.  La trotteuse a l’air de ramper.  Deux secondes en avant,  trois en arrière.

Toute petite, je me distrayais en regardant attentivement les tableaux de saints aux yeux tourmentés, eux les misérables témoins des sévices subis par Jésus.  Je passais aussi au rayon X les ouailles endimanchés, leur inventant des vies farfelues.  J’avais une prédilection pour les religieuses.  Elles arrivaient par une porte que personne d’autre qu’elles n’empruntaient, celle du côté du couvent.  Elles auraient pu venir prier en pantoufles, l’église était comme leur salon.  Honni soit la tentation du confort du linge mou! Même si elles enfilaient les offices avec autant de fidélité que les fanas de la pièce Broue, elles étaient toujours sur leur 36, amidonnées comme des candidates sur des pancartes électorales. 

En les observant penchées sur leur missel, je me suis longtemps demandée s’il leur arrivait de prier pour elles-mêmes?  Ce n’est pourtant pas dans leur définition de tâches.  Les ouvrières arrivent au prie-dieu avec une longue liste de doléances, les malades, les quéteux, les orgueilleux, sans oublier les conflits dans le monde.  Il y a beaucoup trop à faire.

C’est du boulot, la messe.  Parmi elles, j’essayais de choisir qui était l’employée du mois de cette grandiose succursale des supplications à la chaîne.  Était-ce celle qui avait les yeux fermés dur, les mains jointes dans du ciment et la nuque ployant sous la demande des fidèles trop paresseux ou maladroits pour formuler leurs propres incantations?  Je ne voyais pas l’intérêt de leur soumettre ma demande spéciale.  Durant ce long désert qu’était la messe, je trouvais toujours une petite minute pour faire du tchat spirituel avec Jésus.  Ce bébé dodu tout en bouclettes portés dans les bras de St-Joseph n’a pourtant jamais fait de miracles pour moi.  Je ne sais même pas pourquoi, 40 ans plus tard, je suis assise dans la même église en train de regarder trotter la trotteuse.  Une chose est sûre :  je me sens bien ici. 

Les bancs se colorent et l'église se réchauffent.  Je me demande comment les enfants vont tenir pendant la prochaine heure.  C’est Noël, autant dire que ça leur procure le même effet qu’un Red Bull.  Le curé, une grande gueule qui a la langue bien pendue, joue comme un virtuose avec les  "punch line".  Il y a malgré tout un joli message dans son numéro de stand up comic.  Je l’entends me dire :  tout ce que tu désires au plus profond de toi-même, tu peux l’avoir.  Ça ne dépend que de toi.

Tellement d’accord avec vous, coach Curé.

Quand je reviens dans cette belle grande église où j’ai été baptisée, où j’ai fait ma première communion, où je me suis mariée, où j’ai fait baptisée mon aîné, je puise ma vigueur dans ce puissant cycle qui fait de moi ce que je suis :  une femme forte.

Amen.

20 déc. 2012

Mon foulard en poils


« Dans deux ou trois semaines, ne soyez pas surprise, vous allez perdre vos cheveux », m’a dit mon flamboyant hémato-oncologue, le Dr. C.  Cet homme tourne les coins du corridor en semant des paillettes dans son sillage.  Plus grand que nature.  Un top spécialiste avec ses gentilles blagues qu’il claque avec l’agilité d’une star de cinéma.


« Vos cheveux pourraient repousser frisée.  Quand on vous demandera qui est votre coiffeur, vous direz que c’est Dr. C. ! » me dit-il en me flashant un clin d’œil complice.

Mais avant que ça repousse dans le style brousse en folie, j’aurais le crâne lisse comme la patinoire du centre Bell.   La solution « foulard-tuque-ti*casse-perruque » me donne de l’urticaire.  J’ai peur d’avoir l’air de Aunt Jemima, version blanche.  Ou de Môman dans la Petite Vie.  Ou pire encore, d’un clone de Boy Georges avec des foulards bariolées sur des tresses en nylon collées sous un chapeau en feutre.  

Les images défilent et je ne peux m’imaginer avec le look boule de billard.
Tant qu’à exposer autant de peau, j’opterai pour un dessin au henné, genre pot de fleurs.  Mais un bouquet tout le tour de la tête, ça ne procure pas l’efficacité énergétique d’une tuque en janvier. 

« Tu devrais aller te chercher une belle perruque à la Fondation canadienne du cancer », me suggère une jeune fille à foulard pendant ma première séance de chimiothérapie.  J’aime l’ambiance salle paroissiale du département d’oncologie :  on jase avec les voisins de tout et de rien.  Les infirmières et les autres patients lancent eux aussi leur campagne pro-perruque et finissent par effacer mes craintes de ressembler à une fanfreluche à boudins.

Le lendemain matin, je frappe à la porte de la Société canadienne du cancer avec mon mari à mon bras.  L’homme de ma vie va se payer un grand fantasme: voir sa femme en blonde, brune, noire, rousse.  Tout ça pour un dépôt de 20 dollars.  Un re-looking complet pour le prix d’une bouteille de vin, c’est vraiment une aubaine!




« Wow!  Tu es vraiment belle! », siffle-t-il en prenant des photos.

Bon, j’ai presque hâte de me faire raser le crâne en voyant l’effet bœuf de la perruque.

Je suis prête.  Ce sera l’automne bientôt, mes cheveux vont tomber dans deux ou trois semaines.  Mais le moral mon moral reste bien accroché.

Merci à Sylvie pour sa grande patience.


29 nov. 2012

Ding Dong! Vous vous trompez d’adresse.



Il y a tout de sortes de surprises :  « surprise, livraison de fleurs », « surprise, c’est ta chanson qui joue à la radio », « surprise, il y a une moufette sur votre perron », et la moins populaire de toutes, « surprise, vous avez le cancer ».

Envers et contre tous, j’affectionne les surprises.  Il y a un brin de poésie à ces moments qui suscitent une réaction viscérale, une énergie réactionnelle pour parler comme une technocrate en psycho pop.  Quand je suis débarquée au Québec il y a un mois, je me suis déguisée en cochon pour des retrouvailles inoubliables avec mes chums de filles.  Ding Dong, c’est moi, je suis en cochon.  Surprise!

Seulement voilà, trop surexcitée, j’ai pris la mauvaise allée et j’ai sonné comme une effrontée pour faire encore plus drôle.  La porte s’est ouverte sur le visage d’un homme inconnu avec un sourcil en accent circonflexe et l’autre en broussaille.

« Je ne suis pas chez Sophie? », dis-je, tracassée d’être une gaffeuse en série.

« Ne-non.  Sophie, c’est l’autre porte… ».  Il jauge mon costume et passe du mode impatient à vaguement inquiet quant à mon état mental.

« Pouahhhhhh!  Je me suis trompée!  Ahahahahaha!  Hohoho!  Je suis désolée! ».  

Je replace mon groing sur le haut de mon front et je repars avec un semblant de dignité, la queue tirebouchonnée entre les jambes.

« Je vous trouvais plutôt insistante avec la sonnette », me lâche-t-il pour me faire la morale sur les bonnes manières.

Pas plus tard qu’avant-hier, c’est la chirurgienne qui m’a fait le coup.  Rassurez-vous, elle ne s’est pas déguisée en cochon.  Elle me fait le cadeau de ses plus beaux sourires sans avoir à se prendre pour Dr Patch Adams. 

« Surprise, j’ai les résultats de la pathologies! ».  Nous nageons dans les eaux troubles du cancer avec une efficacité qui me coupe parfois le souffle.  Moins vite, s’il-vous-plaît?

« Les marqueurs indiquent que toute la masse a été retirée.  Pas de trace de cancer dans le ganglion sentinelle de l’aisselle.  Mais vous allez devoir faire de la chimio », poursuit-elle les yeux rivés sur le rapport.

Je regarde au dessus de mon épaule pour voir si elle parle à la bonne patiente.  Chimio?  Ne-non, c’est l’autre porte, sûrement pas ici.  CHI-MI-O, un diminutif qui pulvérise mon monde.  Je vois apparaître devant mes yeux un champignon atomique au dessus d’un lagon bleu dans le pacifique.   Surprise, ma vie vient d’exploser.  Au lieu de retourner chez moi à Nouméa en février 2012 après la radiothérapie, je vais m’astreindre au boot camp des cancéreux, la fameuse chimiothérapie.  Excusez-moi d’être aussi précieuse et égocentrique mais ce n’était pas dans le plan de match initial.  Il me restait un bout de vie à vivre sur « mon » lagon.  Le pire dans tout ça, ce n’est pas de prendre la décision de rester en vie.  C’est de traîner les enfants dans cette incroyable aventure qui consiste à la sauver.  À bien y penser, cette surprise là me laisse un goût amer, moi la control freak, celle qui gère les rêves et les projets dans la plus totale dictature en martelant  "avancez en avant" pour fouetter les troupes.  En ce moment, j’opterais plutôt pour la position du fœtus sur mon canapé à Val Plaisance en sirotant du vin rouge avec une paille à onze heure le matin. 

Et non, je ne suis pas aussi vaine que j’en ai l’air.  Pas de cocktail avant dix-sept heures, c’est la règle.  On s’accroche une paire de lunettes noires pour cacher les larmes, on relève les commissures des lèvres malgré une petite douleur au cœur et on sourit.  Surprise, la vie continue.


17 nov. 2012

Mon nom est Mom...Super Mom.

Ça se promène bras dessus, bras dessous dans les couloirs de l’hôpital.  Ou il y en a un qui pousse et l’autre qui roule.  Un inquiet et l’autre malade.  Le bien portant et le mange misère.  Qui vous accompagne lors du voyage organisé au pays des fiévreux?  Votre meilleure amie, votre fille, votre belle-sœur, votre cousin?

Dans mon cas, la question ne se pose même pas, c’est ma mère. 

« On va aller te chercher un fauteuil roulant… », insiste-t-elle.

Mom!  Je roule les yeux en l’air et je prends mon air buté d’enfant de 4 ans.  Pas le fauteuil roulant!  Et puis quoi encore?  Tu vas me moucher avec la manche de ton chandail et me nettoyer le bord de la bouche avec ta salive?  Le simple mot "non" n’atteint pas à ses oreilles.  C’est comme si je lui disais « sacre moi patience » en mandarin. 

Préposé?  Apportez la chaise roulante.   Au concours de l’entêtement, c’est ma mère qui gagne haut la main.

Elle me fait asseoir dans le fauteuil, fière d’avoir dompté la bête.  Même au bout d’une journée de treize heures à l’hôpital, ma mère est capable de pousser avec l’assurance d’un conducteur de F-1 et savourer son triomphe.

Le croirez-vous, en septembre dernier j’ai jonglé avec l’idée de ne pas dire à ma mère que j’avais le cancer.  C’est une idée folle qui m’a traversé l’esprit.  Un peu débile, non? 

La force surhumaine des mères est un mythe.  Même Dieu peut être infaillible avec certains dossiers.   Pourquoi pas ma mère?

C’est ancrée dans leur gêne, cette douleur sourde lorsque leur enfant a mal.  Je voulais simplement lui éviter ce sentier vertigineux. Je vous avoue que ma mère a beaucoup donné dans ce département.  Je suis née avec une malformation congénitale rare, une ectopie rénale, et j’ai vu ma mère littéralement souffrir à ma place.  Avez-vous déjà vu un clown rire et pleurer en même temps?  Ma mère faisait tout ça pour me rassurer malgré son impuissance.  Elle a soufflé sur mes bobos avec une douceur infinie jusqu’à me faire oublier la brûlante souffrance des infections urinaires à répétition.  Elle m’a couvée soir et matin pendant un mois d’hospitalisation.  Une fois guérie, du haut de mes presque quatre ans, j’ai décidé que je n’allais plus jamais être malade pour ne pas inquiéter ma belle maman d’amour. 

Au lieu de ça, je l’ai fait damnée…J’ai fait les 400 coups.  J’ai dansé sur la table du salon en écoutant Donald Lautrec Show, fait des fugues dans le bois, caché des chiots sous mon chandail, lancé des cailloux au voisin, bardassé ma petite sœur, fumé en cachette.  Regarde maman, je ne suis pas malade, je suis en vie.

Pauvre maman!  Encore obligée de souffrir cette peste aujourd’hui devenue une femme de 48 ans. 

mom et sa petite-fille
Pas moyen de faire une fugue quand on a un cancer, même pour se cacher de sa mère.  Au lieu de faire l’enfant, je devrais grandir un peu et souffler à mon tour ces mots si simples qui font disparaître la souffrance.

Merci maman.  Je t’aime très fort.

15 nov. 2012

Le voyage organisé

La chirurgie d’un jour porte bien son nom :  une petite journée top chrono pour en finir avec la maladie.  J’arrive à 7 heures du matin avec ma mère à mes côtés.  Invariablement, on lève un regard en disant : « votre mère vous accompagne? »  Il faut savoir que ma mère est moi, on se ressemble comme une paire de fesses.  Difficile de cacher ma filiation. 
Je suis contente d’être avec ma belle Irène.  On fait un duo choc dans toutes les files qui nous mèneront jusqu’à la civière du camp des réfugiés d’un jour.  En attendant de s’inscrire au bureau des éclopés, un vieux monsieur derrière nous mitraille des salves de blagues sans même reprendre son souffle.  Ça doit être le cousin de Ti-Gus et Ti-Mousse; il est intarissable.  Les blondes, les noirs, les calembours…Je suis sûre qu’il collabore à la chronique Rions un peu du Reader’s Digest.  Mais dans son cas, il faudrait plutôt appeler ça le Reader’s Indigeste.  Bon, vous êtes bien gentil monsieur, mais moi j’ai un cancer dont il faut que je me débarrasse.  Je vous laisse.
Eh! que je ne suis pas fine.  J’avais pourtant médité le matin – inspire/expire- brûlant mes poumons pour faire entrer en moi la sagesse infinie.  Je vais avoir besoin de séances plus fructueuses pour répandre la bonté universelle.
La bonté universelle, c’est en l'occurence le fond de commerce du personnel de l’hôpital.  Il doit y avoir un vestiaire où les employés laisse leur mauvaise humeur en entrant.  Un mince rayon de soleil filtre dans la salle où l’équipe médicale va et vient entre les civières.  Cataractes, problèmes rénaux, cancer du sein :  tous les patients sont équitablement couvés.  Un petit mot, un regard encourageant, une bonne oreille et une petite pilule.  Un bruit ambiant rassurant, plein de vie.
La chirurgie d’un jour est un voyage comme un autre et mérite une note comme n’importe quelle destination.  Partons du principe que la Nouvelle-Zélande décroche une note plus-que-parfaite, 12/10.  Le pays des Malades ne s’en tire pas trop mal avec un très honorable 8/10.
LES PLUS : 
La disponibilité des calmants.  « Voulez-vous un comprimé XYZ pour vous relaxer? » Ah!  Ça c’est de l’hospitalité.  J’achète.
La couverture qui sort d’un four juste avant d’aller en salle d’op’.  Quelle douce impression d’être une patate sur laquelle on fait fondre du beurre.  Wow, encore!
Le service d’escorte vers les différents départements de l’hôpital.  Le préposé est tellement attentionné qu’il a réussi à me faire oublier ma jaquette bleue battant à tous vents.  En prime, on se fait dire qu’on est belle…Dois-je vous rappeler qu’on joue ici la reprise de la journée nationale sans maquillage?
Les infirmiers, les infirmières, les stagiaires.  Traitez moi de téteuse, je les adore.
Dr. Chirurgienne :  une fée.

LES MOINS :
Définitivement au top du palmarès, l’injection de produits radioactifs.  J’ai pris trois avions pour bénéficier de la médecine nucléaire, malheureusement indisponible en Calédonie.  J’aurais pris trois autres avions pour me sauver si j’avais su que ça faisait aussi mal.  Mais, je suis une tough.  J’ai légèrement crochi les bords de ma civière et versé quelques larmes.  Désolée de vous avouez ceci Dr. Chirurgienne, mais j’ai cru un instant que j’étais un vampire dans Twilight et que j’allais vous mordre :/


Le régime minceur.  Pas moyen de casser la croûte, il faut être à jeun depuis la veille.  Je découvre soudain que la grève de la faim ne sera pas un recours s’il me prend l’envie de défendre une cause. Avis au gentil personnel infirmier:  je vous rappelle aussi qu’un bol de glace ne compte pas pour un repas. 
L’empressement de Dr. Anesthésiste qui veut savoir pourquoi je n’ai pas de carte d’assurance maladie.  Nous sommes dans la salle d’opération, je porte un casque de bain bleu, moi la patate toute nue sous la doudou chaude, à 5 minutes de mon opération….Euh?  J’ai peut-être l’air d’une sans-abris mais j’ai une assurance privée et OUI, je vais régler la facture. MERCI de m’endormir malgré cette vague inquiétude sur ma solvabilité.  J’apprécie votre professionnalisme.
Les pantoufles bleues qui hurlent "JE SUIS PATHÉTIQUE!".  Elles sont assorties à l’horrible jaquette taillée sur mesure pour les exhibitionnistes. J'aurais préféré quelque chose de plus seyant, un beau pyjama avec des bonhommes sourire et des pantoufles à talons hauts.  Frivole mais tellement plus chic'n'swell.  Si vous trouvez ça dans la boîte à suggestion, ne cherchez pas, c'est bien rédigé de ma blanche main.
******
Je suis revenue de l'hôpital et devinez quoi? J'ai laissé mon cancer dans le fond d'une petite poubelle :):) Il criait "Ne me laisse pas là!" mais moi je lui ai dit: "Aie, ça va faire!   Je t'ai chopé en Calédonie, je t'ai même emmené en voyage en Australie et je suis allée jusqu’à te faire danser la Zumba sur la place des Cocotiers. Pousse mais pousse égale et DÉ-BA-RASSE mon petit criss!" 


Le croirez-vous, en lui disant ça, le cancer a poussé son dernier soupir.  Il est mort, le sacrament! Hourra!
Vous l'aurez sans doute deviné, ils m'ont droguée un tout petit peu à l'hôpital.  J’ai dit  "double dose" quand on a mentionné la morphine.   Je me sens vraiment bien.  Vrrrrraiment. :):)
Aujourd’hui, je n'ai plus mal et je pense que je n'ai pas une grosse cicatrice sous mes pansements. En fait, ça devrait me faire comme un minuscule sourire sur le bord du sein.
N'oubliez pas, même Wonder Woman doit surveiller ses seins. 






12 nov. 2012

La chasse aux crottes

On m’a dit :  «Vous avez un début de cancer ».  Wham Bam!  Même pas peur.  Je sors la cape et j’affronte.  Passez moi le protocole des soins et on va faire ça comme s’il s’agissait d’une recette de gâteau duncan hines.  Oeufs/huile/eau, un coup de mixer et voilà, l’affaire est ketchup.

Le gynécologue de la Baie des Citrons à Nouméa a mimé l’incision sur son propre torse et sous l’aisselle côté cancer pour me montrer que là aussi, l’affaire était ketchup.  Il ne s’agit pas d’une opération à cœur ouvert, ce n’est qu’une tumorectomie.  Ma chirurgienne à Trois-Rivières, plus pragmatique, m’a fait un dessin :  trois coups de crayon et j’avais tout compris.

On sait comment se débarrasser d’un cancer mais on ne sait pourquoi on se retrouve un jour avec cette bébitte-là.  Il me vient en tête une phrase célèbre d’un certain Caliméro :  « Alors là, c’est vraiment trop injuste! »  Pour ceux qui ne sont pas de la génération Bobino et Caliméro, voici la référence :



Quand on a le cancer, on farfouille dans son passé à la recherche du bogue.  C’est la chasse aux crottes.  J’ai passé en revue les moins bons souvenirs de mon enfance.  Il n’y en n’a vraiment pas tant que ça.  En fait, je suis tombée sur des moments magiques de bonheur.   Mais ce n’étais pas là ma quête.   J’ai parcouru les chemins foisonnants de la mémoire, espérant tomber sur une anecdote enfouie, une vieille douleur perdue, un traumatisme obscur.  Ça m’a presque donné envie d’écrire mon autobiographie.  Ma vie est tellement 1970. 

Il y a des bribes de mon enfance qui expliquent un peu ceci, un peu cela.  L’hiver où ma mère a décrété qu’on vivait dans le sous-sol de notre bungalow pour sauver sur la facture d’électricité.   C’était rigolo mais quand même un peu gênant.  Mes après-midi de grande solitude où je jouais au curé :  je récitais la messe avec des hosties en pain blanc découpés avec un bouchon de bière.  Mon amour secret pour Jacquot, le fils du notaire, qui m’a affublée du surnom Chandail Cardigan devant tous mes camarades de classe (aujourd’hui devenu mon adresse courriel, chandailcardigan@hotmail.ca).  La découverte de l’émission Parlons Sexe sur mon radio transistor avec Huguette Proulx quand j’avais 8 ans et mon étrange tourment face aux « choses sales ».  Ma peur des motards, les Popeyes, déboulant au village en pleine nuit, un défilé plus angoissant que le train du CN qui faisait trembler les murs de notre haut de duplex. La punition (bien) méritée pour avoir fumé en cachette à 5 ans parce que je voulais jouer au cow boy.  L’été où j’ai failli me noyer avec ma cousine au camping du Lac au Bouleau à St-Félix-de-Kingsey.  L’autre où elle m’a plongé la tête sous l’eau un peu trop longtemps juste pour jouer (cette fois là, j’ai vraiment cru que j’allais mourir).  La salle de réveil à l’hôpital de Nicolet après l’ablation d’un de mes reins quand j’avais 3 ans.  Les pleurs de ma mère lorsqu’elle a fait une fausse couche.  Mon étrange gardienne qui m’a éveillée aux charmes d’Elvis Presley alors que je n’avais que 6 ans. J'aimais le King mais je la trouvais louche. Le décès de mon cousin Claude fauché par un chauffard alors qu’il allait s’acheter de la gomme balloune.  Mon premier slow dansé avec Christian plutôt qu’avec Carl.  C’était Carl que je désirais pourtant.  Mes attaques de boulimie.  Ma première peine d’amour, un certain Mario qui conduisait un Duster,  et ces mots qui résonnent encore :  je ne t’aime plus, des mots comme des vilains crachats tombés au bout de mes souliers.  Mes nuits blanches parce que je n’arrivais pas à digérer les longues colonnes de vocabulaire en latin.  L’adolescence et ma peur viscérale d’être grosse.  L’amitié tordue d’un prof du secondaire qui voulait faire de moi sa lolita (j’avais 17 ans et des antennes assez sensibles pour capter l’arnaque.  Je n’ai toujours pas pardonné).  Ma première gueule de bois à 16 ans.  Les départs déchirants.  L’éveil brutal au racisme pendant une année passée en Caroline du Nord.  Le chien que je n’ai jamais eu et toujours désiré.  Les chicanes de Barbie avec ma sœur. 

Est-ce que tout ça finit par donner le cancer? 

Je ne crois pas mais je n’ai pas pris de chance et j’ai fait mes devoirs :  trois thérapies chez le psy, des boîtes de mouchoirs bien imbibés de larmes et….l’affaire est ketchup.

Que nenni!   On ne s’assoit pas comme ça sur le bonheur en disant GOTCHA!  J’ai connu des années de sprint intense et de grande félicité à la puissance 10.   Un mari et trois enfants plus tard, je me rends compte que je dois encore et encore sarcler patiemment pour ne pas trop m’encombrer l’existence avec un fouillis d’herbes folles, une plate-bande où les fleurs rares et les herbes odorantes se partagent un rayon de soleil avec le chiendent.   Le cancer, c’est le bouton RESET.  

Je remets les pendules à l’heure. 

Je n’ai pas peur de mourir.  J’ai peur de ne pas bien vivre, tout simplement.

10 nov. 2012

Souvenirs d'Australie

C'est un grand grand pays, l'Australie!

Un défi pour quiconque veut tout voir et tout faire.  On a fait un bout de route au nord de Brisbane pour ne pas trop s'essouffler.  J'ai aussi passé quelques jours à Sydney avec une amie d'enfance.

J'ai attrapé les images comme des papillons au vol et je les ai mises pêle-mêle dans une édition d'Accroche-Coeur que je qualifierais de "scrapbook".

Il y a des couleurs, des visages, des sourires.  Un peu de douleur aussi mais ça ne paraît vraiment pas beaucoup.

C'est en Australie que j'ai appris que j'avais un cancer du sein.  Malgré tout, j'ai eu beaucoup de plaisir à prendre une pause vacances avec ma famille.



6 nov. 2012

Planète Zumba


Prenez votre grosse voix de baryton et répétez après moi :  ZUM-BA!  ZUM-BA!  ZUM-BA!  Ce simple mot qui sonne comme le nom d’un personnage d’un film de Dysney réussit à vous tirer un sourire.  Il vous énergise aussi.

Mais la zumba, ce n’est pas qu’un mot.  C’est un courant électrique qui survolte en ce moment la remise en forme en groupe, partout dans le monde. À Nouméa comme à Trois-Rivières,  on s’habille en sport mais on pense night club.  Moi qui ai toujours rêvé d’aller m’éclater sur un gros beat en fin d’après-midi plutôt qu’à l’heure où on se couche, je suis bien servie.

Je commence à peine à esquisser mes premiers pas et à faire des circonvolutions avec mon bassin en criant « Olé ».  Secouer mon popotin en espérant qu’il n’y a pas de caméra cachée…Partir du mauvais pied sur la routine que tout le monde connaît en manquant embrasser ma voisine dans l’oreille.  Sauter les bras en l’air alors que tout le monde est au sol…J’exagère un peu, je ne suis pas si vilaine que ça et j’ai très certainement la qualité essentielle pour toute bonne adepte de la Zumba :  ne pas avoir peur du ridicule!  On rit, on transpire mais on ne souffre pas.  Oubliez le méchant cardio militaire où vous avez envie de mordre l’entraîneur tellement il est dur :  les cours de zumba sont 100% plaisir et la meneuse de claques a un sourire aux mêmes dimensions que celui de David Guetta, c'est-à-dire XXL.

La veille de mon départ au Québec, j’ai eu le bonheur de m’initier à la Zumba sur la place des Cocotiers sous un chaud soleil calédonien.  C’étais le « Party in Pink », un évènement dont tous les profits vont à une fondation pour la recherche sur le cancer. 

Comment ne pas succomber à cette mode?  Du rose, de la musique à fond la caisse et le grand bonheur de danser et de se muscler.  Prendre la vie pour ce qu’elle est :  une vraie partie de plaisir.


Courez vous inscrire.  La Zumba est partout!

17 oct. 2012

Où sont mes CLÉS, "?%$(!Ö* !!!



Il y a trois mots tabous chez nous : CLÉS . DE . CHAR. 

Je traduis pour mes amis français : ZE / CLES / DE LA / BAGNOLE. 

J’ai un sac à main grand comme un garage double où je planque l’essentiel : mon porte-monnaie, mon chéquier, mes lunettes , mon rouge à lèvres et mes clés de char.   Total Fen shui.  Si j’avais un chihuahua là-dedans, il se sentirait esseulé. 

Allez savoir pourquoi, je parviens tout de même à ne pas retrouver mon trousseau dans ce fatras minimaliste.  J’ai beau racler le fond de mon sac, rien.  Houdini lui-même deviendrait gaga.  Comment peut-on faire disparaître des clés dans un si grand sac qui ne comporte aucun double-fond?

Rien dans les poches, rien dans les manches.  Mes clés se téléportent.  Où?  C’est là que le plaisir sadique commence.

L’autre jour, je me gare au centre-ville, place des Cocotiers.  Ça ne s’invente pas, il y a une place des Cocotiers à Nouméa.  Je vis dans un pays exotique.

Je me souviens du ding-gue-ling! des clés qui tombent au fond de ma sacoche XXL.  J’enregistre, j’imprime, je prends une photo.  Elles sont là.

Enfin, c’est le souvenir que j’en ai.

Je vais chez la gynéco, je dévalise une boutique avec ma fille, j’enfile rue de l’Alma et je vais faire quelques essayages à la friperie de Victoria.  90 minutes et 100 dollars plus tard, on décide qu’il est temps de rentrer.  Confiante, je plonge la main dans mon sac à main.  Et là, RIEN.   
J’ai beau fermer les yeux pour m'immerger dans de vagues réminiscences, pas d’images, zéro mental.

J’atteins un état proche de l’attaque de panique jusqu'à ce que l’éclair surgisse :  je fonce vers ZE BAGNOLE et elles sont là.  Les clés sont dans le contact.  Et les portes ne sont pas verrouillées.  Sûrement, vous pensez :  "Bingo, c’est la reine des fêlées! "  Vous n’avez pas tort, c’est con de laisser son char place des Cocotiers avec les clés dedans.  Mais ça prouve qu’un KIA qui affiche 60 mille kilomètres au compteur n’est pas aussi tentant qu’une BMW avec un IPhone 5 sur la banquette…

Chaque fois que je m’enfonce dans un épisode angoissant, je relis les consignes lénifiantes de la compagnie Auto LockSmith Services écrites dans un franglais très clair :

« Lorsque vous êtes dehors et environ sur votre routine quotidienne, il est la loi de Murphy, selon laquelle tout ce qui peut aller mal, ira mal. »

Mais comme le dit LockSmith, je ne finis jamais en lockout de ma voiture.  En ce qui me concerne, je back track sur ma routine et je retrouve le bonheur, en l’occurrence, mon set de car keys. 

Respiration.  Introspection.  Remonter le fil de ses petites folies quotidiennes sans sombrer dans l’hystérie.  Et trouver.  Ce n’est pas un hasard s’il y a une tête de Bouddha qui orne mon set de clés de char.  Pas de mauvais karma avec Bouddha.  

Juste un long labyrinthe vers la case départ.  Arrêter le temps pour tourner en rond.  Un plaisir qui peut durer longtemps longtemps...

9 oct. 2012

Dégonflées, les quetouches…

http://www.brogol.fr/dessin/des-seins-le-retour/


Je rêve à mes seins.  Moelleux et lourdeaux, frémissants sous le satiné d’une robe d’été, presqu’au garde-à-vous.  Des « girls » coquines qui se hérissent à la moindre brise.  Dans mes  songes, ils ne sont pas en soie fripée, sensibles, tatoués d’ecchymoses là où j’ai eu les biopsies.  J’ai des seins de rêve, des attributs dignes de Marylin, plus grands que nature.  Ils prennent toute la place, ils annoncent mon arrivée et font regretter mon départ.  Un mirage voluptueux.  Mes seins de jadis, ceux qui nourrissaient mon fils, retroussés par une menotte autoritaire.  Une petite giclée sur la joue de mon époux qui tournait comme un loup dans la bergerie.   Dans mes rêves, je les pose au creux de mes mains et j’épie la vie qui s’y trouve.  Dans la vraie vie, je les pose au creux de mes mains pour les soustraire à la loi de la gravité.

S’ils pouvaient parler…Mes seins vous réciteraient mes extases.  En crescendo, en decrescendo, les explosives et les petites ordinaires du quotidien.  Y a-t-il une autre partie du corps qui soit aussi festive, parée (et parfois déguisée!) ou merveilleusement dénudée?  Les yeux observent, le nez hume, les mains s’accrochent et les seins…Les seins règnent.

« Il faudrait donner la parole à nos seins lorsqu’on a le cancer! », me disait une amie l’an dernier.  Elle avait fait le deuil de sa poitrine quelques mois plus tôt après une mastectomie complète.  Ablation ou pas, on a toujours des seins entre les deux oreilles.  On fait « comme si » avec des prothèses, des bourrures, des bombés et du rebondi.  Cette amie avait finalement accepté de sangler son poitrail avec un soutien-gorge factice.  Un lifting dans le t-shirt, ça rend de bonne humeur.

« Touche, ils sont pas durs du tout », dit-elle en m’invitant à poser mes mains sur ses bonnets « B ».  Mais à son sourire, c’était du triple D de bonheur. 
Je tâte et ma foi, c’est vraiment comme dans mon rêve :  ferme et moelleux.  Ma belle amie, une grande blonde qui me toise d’une bonne tête, arrive à oublier le big « C », le cancer.  Et moi, j’oublie que je la pelote en plein après-midi,  dehors,  à la vue de tous les voisins.  Et nous éclatons en riant.

En attendant la chirurgie, il m’arrive de perdre mon sourire.  Si le plan de match va comme prévu, je conserve mon sein gauche, celui où se trouve la tumeur.  J’aurai la paire au réveil.  L’un d’eux sera cependant balafré mais malgré tout souverain. 

Elles n’étaient pas si mal, mes quetouches.  Avec juste ce qu’il faut de flétrissement pour attendrir mon amant vieillissant.  Je ne leur en voulais pas de baisser pavillon.  Je n’ai même jamais pensé les soumettre à la torture d’implants ou d’un redrapage.  Un décolleté plongeant?  Le débat ne durait jamais bien longtemps…Je prenais encore mon pied en les habillant de dentelle.    Mais cette belle insouciance est désormais chose du passé.  Mon regard change parce que mes seins m’ont trahie.  D’innocentes mamelles où se tapie dorénavant Alien, un prédateur que je ne dois pas sous-estimer.  Oubliez les affriolants Lejaby, il faut plutôt sortir la matraque.

Ce n’est  pas mon genre de finir avec des allusions violentes.   Ma mère m’a donné une minuscule croix incrustée de pierres roses.  Je la laisse pendre au bord de mon décolleté abyssal.  Abyssal dans mes rêves.   Regardez-moi dans les yeux, comme le disait Chantal Chantal Toupin.  Je suis une femme.  Je ne suis pas malade.  

4 oct. 2012

Dr Doolittle sur l’acide

Aussitôt que vous mettez les pieds en Australie, difficile de ne pas céder à l’envie d’admirer les animaux emblèmes de ce grand pays :  dingos, kangourous, crocodiles et koalas.  Vous avez l’appareil photo au bout du bras, prêt à débusquer votre première peluche dans les branches odorantes d’eucalyptus.  Mais chercher un koala juché dans un arbre faisant la sieste pendant vingt heures, c’est comme tenter de tomber sur un républicain mormon dans un bar de danseuses. Il faut savoir que le koala et le républicain se fondent dans la nature.



Kangourous?  Il y en a... Mais cœurs sensibles accrochez-vous :  le cousin de Skippy n’a souvent pas de bol et il se retrouve les quatre fers en l’air le long de la route.  En combinant Brisbane et la Sunshine Coast, on arrive à un total de 2 millions et demi d’habitants sur cette portion de côte.  Pas étonnant que les kangourous se sentent un peu à l’étroit sur le territoire et finissent en crêpes sur l’accotement des axes routiers.

Quant aux crocodiles, j’estime qu’il est préférable de les admirer sur un panneau signalétique lorsqu’ils crapahutent en liberté dans la nature.  Quoique…Après réflexion, ils sont beaucoup plus mignons dans une rivière brune du Queensland que déguisés en sac à main Gucci dans une vitrine d’une chic boutique de St-Petersbourg…



Nous aurions pu opter pour la Tasmanie et le désert australien, là où ces espèces pullulent mais nous avions pris le forfait asphalte et plages bondées.  Solution? Mettre le cap sur un zoo mais pas n’importe lequel :  le zoo de Steve Irwin, le Crocodile Hunter de la populaire série diffusée dans 130 pays.



Premier choc :  le prix de l’attraction.  250 dollars australien pour une famille de 5 avec trop d’enfants qui ont plus de 12 ans.  Deuxième choc :  la douche d’amour!  Traitez-moi de cul-cul la praline, mais il y a un culte encore vibrant pour  l’animateur-aventurier survolté avec son accent qui claque avec des CRIKEY!  en guise de ponctuation.   Un zoo créé par ses parents alors qu’il n’avait que 8 ans.  C’est cet endroit qui a insufflé à cet enfant la passion du féroce et du dangereux.  Comment peut-il en être autrement lorsque votre animal de compagnie est un python de 4 mètres de long et que votre passe-temps consiste à nourrir les crocodiles? 

J’ai eu l’impression de visiter une belle grande famille.  Des oiseaux géants volaient au dessus de ma tête, les koalas se sont réveillés pour le câlin dans leur fourrure touffue comme un shaggy et les crocodiles ont balancé leur regard froid pour impressionner la galerie.  J’ai aussi été généreusement arrosée par un éléphant qui avait la trompe bien baveuse lorsqu’il a attrapé les trois courgettes qui je lui ai tendu.  Du bonheur.



Australia Zoo :  8/10

30 sept. 2012

En Australie avec les kangourous, les koalas et le crabe

En Australie avec les kangourous, les koalas et le crabe


J’étais pendue au bout du fil d’un téléphone à 22 lignes dans le hall d’un chic hôtel de Queen’s Street à Brisbane. C’est là que j’ai appris que j’avais le crabe. 

« Bonjour docteur Machin!  C’est Chantale, votre patiente canadienne… ».  

J’imagine le gynécologue dans son cabinet de Nouméa, un bon vivant dans la cinquantaine, son téléphone cellulaire collé à l’oreille, en train de chercher le dossier de la « canadienne ».

Seulement voilà :  pas de froufrou dans la paperasse accumulée sur son bureau.  Il me répond avec un soupçon de reproche dans la voix :

« Ahhh!  Enfin, vous voilà!  J’ai laissé plusieurs messages et j’ai tenté de vous joindre par courriel et je n’avais toujours pas de nouvelles! ».  

Mettons nous tous à ce moment précis sur la touche Pause :  j’ai en ligne un médecin spécialiste qui a décroché son téléphone cellulaire après deux drings!  et il est en train de me dire qu’il me coure après depuis une semaine.  Frissons sur ce fantasme que j’ai longtemps nourri dans les salles d’attente du Québec.  Mais ce sera l’objet d’une autre réflexion…

« Pis? »  Question succincte parce que j’ai la bouche sèche et les jambes en coton.

« C’est pas bon, c’est vraiment pas bon…Vous avez un début de cancer du sein, il faut tout de suite vous faire soigner »

Dans cette phrase débitée en 10 secondes, j’ai attrapé au vol trois mots :  début de cancer.  Pas un cancer au complet, plutôt les prémices d’un mini calvaire, un embryon de 8 mm,  un bourgeon ou au pire, une verrue.  Rien d’autre qu’un début.  Un crabe qui se débat dans le creux d’une paume de main. J’hyperventile tout de même un peu mais je reprends vite mes esprits.  J’ai d’autres chats à fouetter : annoncer la nouvelle à mon mari et à mes trois enfants et ensuite poursuivre notre merveilleux séjour en Australie.  Le crabe peut attendre une petite semaine avant de se faire écrabouiller comme un vulgaire cafard.

C’est  donc au beau milieu de ce hall d’hôtel grandiloquent que j’ai annoncé la nouvelle à mes enfants et à mon mari.  Ils ont refermé leur quatre paires de bras sur moi, la meilleure armure qui soit.  J’ai soufflé sur leurs larmes avec une seule envie:  éteindre le feu brûlant de leur crainte face à la mort.

« Je ne veux pas perdre mes deux mères », a chuchoté ma plus jeune, Princesse des îles. 

Je l’étreins avec amour espérant ainsi étouffer son angoisse.  Je lui fais le topo du cancer stade-1, je lui exhibe le bout de mon petit doigt pour illustrer la taille de cette vilaine bête, je sautille en battant des bras pour prouver que je pète la forme.  Je me fends d’un large sourire pour souligner ma rage de vivre et mon indécrottable bonne humeur.

Dans ce mot, « cancer », il y a ce fil fragile qui nous relie à l’angoisse d’un long tunnel sombre et froid.  Il est normal que mes enfants se sentent eux aussi happés à la vue de ce gouffre qui s’ouvre devant eux.  Je redoute le crabe comme les tricots rayés,  ces serpents mortellement venimeux de la Nouvelle-Calédonie.  Fort heureusement, ils n’ont qu’une toute petite bouche qui ne leur permet pas d'inoculer leur foudroyante perfusion de venin.  Malgré cette évidence, je les regarde de loin et je les tiens en respect.

Le cancer me force à me hisser haut, très haut, pour voir la beauté de ma vie.  Et elle est vachement belle ma vie :  une famille, des amis et 48 ans de pur bonheur en arrière de la cravate.   C'est de l’artillerie lourde pour entamer ce combat, n’est-ce pas madame-monsieur?

On a passé un quart d’heure dans le hall d’hôtel puis on a repris le chemin de l’Australie.  C’est un grand pays et on n’a pas de temps à perdre.  Nous sommes allés fourbir nos munitions en emmagasinant dans notre mémoire tous ces paysages tourmentés par la violence de la force de la vie.



















J’étais une expatriée dans le Pacifique.  Me voilà maintenant guerrière avec le couteau entre les dents.

Vendre sa maison, planquer sa vie dans dix valises et mettre le cap sur une petite île paradisiaque du Pacifique avec mari et enfants : c’est le sujet de ce blog depuis les deux dernières années. 

Il y a eu la brousse et ses aventures abracadabrantes.  Les rêves éveillés devant la splendeur d’un bout du monde qui n’a jamais cessé de nous souffler par la puissance de sa beauté.  Sincèrement, il fallait parfois que je me pince avant de m’accouder devant mon clavier d’ordinateur pour vous décrire ce bonheur. 

Il y a bien sûr eu quelques épisodes ou j’ai chiqué la guenille à propos de tout et de rien.  Trois jours de pluie, une pénurie de carottes, des ados rebelles qui trépignent parce qu’il veulent « vivre leur vie » : il suffisait de peu pour que je démarre au quart de tour, prête à épancher mes petites et grandes frustrations.  Entre les lignes de ces chroniques caustiques, j’ai toujours cherché à mettre des sourires. 

J’aime vous savoir là, au fil des péripéties.  Restez avec moi pour la suite de ce drôle de récit. Je continuerai à vous décrire ma Calédonie.  J'ajouterai cependant quelques épisodes sur "mon" cancer.



21 août 2012

L’art de la conversation


Chéri l’a.  Je ne l’ai pas.  Je vous parle ici de la stratégie « perron d’église », l’art subtil de gribouiller un dialogue.  Lui, c’est l’artiste.  Je suis la cancre de service. 

Pour s’engager dans un échange verbal au milieu d’une tribu d’individus, il faut respecter un minimum de règles.  L’écoute active, les mimiques expressives, le jargon politiquement correct, gestes contenus dans bulle imaginaire, liens subtils.  Un rallye linguistique.

Ces règles ne s’appliquent pas lors d’un débat politique.  On assiste plutôt à de la tauromachie sans toreador.  Drôle de confrontation!  Seulement deux taureaux en mode perpétuelle de collision frontale.

Les politiciens savent-ils que la caméra dissèque les moindres frémissements colériques?  Gros plan sur la griffe du lion dans le front…Voilà!  Image grossissante des couteaux dans les yeux :  attention, c’est presque du 3-D et vous allez vous en attrapez un dans votre salon si vous fixez l’écran trop longtemps. C’est le théâtre du côté sombre de l’humain où se jouent le dédain, l’épouvante, le perfide et surtout, les mines de vierges offensées.  Un vrai rayon X de la panique ambiante.  Plus ils ont foiré, plus ils se battent comme des coqs au fond d’une ruelle.  Sarkozy a beaucoup jappé à la face de Holland.  Et qui donc soufflait « ATTAQUE! » à Jean Charest lors de son face-à-face avec Pauline Marois? 

Mais tous les électeurs vous observent en train de perdre les pédales!  Ce n’est pas bon, pas bon du tout!  Oubliez la cravate assortie et dégottez vous l’air rassurant-convaincant qui hurle « je peux diriger un pays ».  Je ne sais pas s’il s’en trouve dans un Costco près de chez vous, ma foi!

Mais la pire des erreurs, ce sont des antagonistes qui se vautrent dans la cacophonie.  Cacophonie, vous ne trouvez pas que ça sonne comme caca?  Si on ne pige pas une seule idée, qu’elle soit de droite, de gauche ou entre vos deux fesses, personne ne réussira à se faire sa propre opinion.  Faites comme dans les cliniques sans rendez-vous :  prenez un numéro et attendez votre tour.

Je rêve d’une joute verbale où les mots se catapultent dans le camps adverse avec la précision des missiles Scud.  Boum!  Batman ne parvient-il pas à conserver sa crédibilité même s’il est masqué (et en collant?).  On veut des hommes forts, des femmes inébranlables.  Un débat?  Jouez-le super héros.

Chéri ne sera plus le seul à m'inspirer l'excellence dans l'art de la conversation.